23-11-2023 Construction et aménagement extérieur

La montée en charge du bois dans la construction peut révolutionner l’immobilier

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Industrialisation, standardisation et collaboration sont, pour Pascal Chazal, dirigeant du Groupe Hors site et de Zen modular, les leviers clefs pour redynamiser la construction. Dans ce contexte de transformation profonde de l’acte de construire, le bois, avec ses modes productifs, cumule autant d’atouts que d’enjeux. Entretien.

La RE2020, les objectifs de réduction des émissions de CO2, sont-ils les principales raisons, qui expliquent la nécessité pour le secteur du bâtiment de repenser ses modes de faire ?

C’est un fait, l’intégration de matériaux bio-sourcés dans la construction, qui va croître avec l’application progressive de la RE 2020, va bouleverser la gestion des chantiers avec de plus en plus de modules construits hors-site. Mais, de manière plus globale, le bâtiment est arrivé au bout de son modèle de développement, avec des émissions élevées de CO2, une faible rentabilité, une qualité qui tend à se dégrader, des produits qui sont de moins en moins accessibles, si l’on parle des logements, notamment. Et on peut ajouter, une difficulté croissante à trouver de la main d’œuvre. Saviez-vous qu’un ouvrier présent sur un chantier de bâtiment produit de la valeur ajoutée seulement 25% de son temps, là où l’industrie est à 85%, ou bien que les coûts de non-qualité sont estimés à 30% dans l’immobilier, alors qu’ils sont de moins de 1% dans l’industrie automobile ? Chaque bâtiment construit est un bâtiment sur-mesure, avec une organisation centrée sur le chantier. Ce modèle ne peut perdurer, le secteur du bâtiment doit fondamentalement transformer ses modes de faire, arrêter de tout réinventer à chaque projet, et travailler en lien étroit avec les entreprises industrielles de la construction. La production hors-site de composants industrialisés du bâtiment a de nombreuses vertus : des chantiers conduits de manière beaucoup plus rapide, des gains de productivité élevés, une baisse des émissions de CO2, un confort de travail pour les ouvriers et un usage accru du réemploi des matériaux. C’est un changement de culture et d’organisation, où les différents acteurs, maitre d’ouvrage, architecte, ingénieur, industriel, doivent marcher main dans la main, se faire confiance pour créer le meilleur produit pour le client, le plus performant sur le plan environnemental et le plus optimisé sur le plan financier. 

 

 

 

Pascal Chazal, dirigeant du Groupe Hors site et de Zen modular

 Comment la construction bois peut-elle tirer parti de ces changements et être en capacité de « monter à l’échelle » ?

Les entreprises industrielles de la construction bois font du hors-site sans le savoir ! Elles sont donc bien positionnées, d’autant qu’elles ont tendance à moderniser leur outil de production. Il y a toutefois des conditions. Tant que les maitres d’ouvrage n’intègrent pas les exigences de ces entreprises, le risque reste élevé pour elles. Un exemple tout simple : si un charpentier produit une ossature bois et doit poser le bardage en usine, il lui faut la couleur du bardage, au moment de la commande et souvent, à ce stade, elle n’a pas encore été choisie par l’architecte ou le maitre d’ouvrage. Résultat, il court après, perd du temps, stocke sa production, réduit sa rentabilité. L’industrie ne peut supporter ce manque d’anticipation. Pour arriver à optimiser les process de fabrication en usine, il faut que les maitres d’ouvrages, les architectes et les entreprises travaillent ensemble dès le début d’un projet de construction. Pour la commande publique, en France c’est compliqué du fait de la loi MOP qui ne permet pas de collaboration en amont et favorise un fonctionnement descendant, ni collaboratif, ni transversal. Pour autant, les choses bougent, comment en témoigne la signature récente par les acteurs de l’aménagement parisien d’une Charte pour développer la construction hors site. Ils prévoient que d’ici 2030, 50% des projets soient produits en hors site. Dans ce cadre une association réunissant des maitres d’ouvrages publics et para-publics, des promoteurs, des fabricants, des maitres d’œuvre a été créée avec pour objectif de développer et structurer la filière de construction hors site. C’est très encourageant, notamment pour la construction bois, qui a naturellement vocation à fortement croître, tant ce matériau a d’atouts. 

Ancien dirigeant d’OSSABOIS, ardent défenseur de la construction hors site, avec le magazine et le campus de formation que vous avez développé, vous avez créé récemment Zen Modular. Quelle est l’offre de cette entreprise ? 

Zen Modular est une plate-forme digitale, qui vise à mettre à disposition des acteurs de la construction des éléments modulaires, à intégrer dans leurs projets. Nous avons choisi de travailler sur un élément : la chambre. Qu’il s’agisse de construire une résidence étudiante, un hôtel, un EPAD, ou encore les chambres des athlètes des JO, la chambre est un « objet » répétitif, qu’il est particulièrement intéressant de fabriquer de manière modulaire.  
C’est ce que l’on appelle le modulaire 3D et la conception orientée objet. Les chambres sont fabriquées en usine en parallèle des autres travaux réalisés sur le chantier. Les logements sont économes en énergie, intègrent le passage de tous les fluides, la décoration, les sanitaires et peuvent être connectés. Ils sont livrés sur site et assemblés en un temps record  
Notre ambition, avec Zen Modular, est de proposer des modules éco-conçus, de référencer un réseau de fabricants en capacité de les réaliser et de faciliter la relation entre le client et l’industriel. Grâce à une levée de fonds récente, notre objectif est de déployer 10.000 modules par an à l’horizon 2026 et de devenir, ainsi, un créateur de marché pour les industriels français.  
Pour en savoir plus : zen-modular.com 

 

La Suède : un exemple réussi de réinvestissement sur la construction bois 

Bien que dotée de ressources forestières, la Suède a délaissé après-guerre la construction bois au profit du béton, hormis pour les maisons individuelles. Dans les années 2000, les acteurs de la construction bois sont partis à la reconquête du marché collectif. En 20 ans la part de marché du bois dans la construction d’immeubles – tertiaire ou de logement – est passée à plus de 25%.  

De très belles entreprises se sont développées, dont Boklok, né de la rencontre du fondateur d’Ikéa et le PDG de Skanska. Positionnés sur le marché du logement abordable, leur promesse était de « baisser le coût de production de 25% pour que des gens normaux avec des revenus normaux puissent acheter leur maison ». 20 ans plus tard, ils ont livré plus de 14 000 logements.  

Boklok possède deux usines, produit des logements modulaires en bois et livre 1500 logements par an. Ils ont reçu cette année pour la 4ème fois le prix du meilleur constructeur de Suède. « Il est particulièrement amusant de voir que nous arrivons en tête notamment sur deux critères : l’accessibilité financière des logements et la qualité des logements ; cela montre qu’il est possible de combiner ces deux paramètres, souvent perçus comme opposés » souligne Emilie Ekelud, responsable commercial de Boklok. 

 L’usine Lindback’s Pitea Suède produit 1 module bois toute les 30 minutes et ses salariés sont à parité homme-femme  

 

Le Centre culturel Sara Kulturus Skeleftea Suède  
Architectes : White arkiterkter Entreprise Derome