La plantation de forêt, au cœur de tous les défis
Décarboner la construction en utilisant le matériau bois suppose de mobiliser davantage et mieux la ressource, et idéalement une ressource de proximité.
Or, la forêt française joue aussi un rôle clef dans l’atténuation du changement climatique, en constituant naturellement un puits de carbone.
Comment concilier ces enjeux ? Faut-il faire des choix ?
Sabrina Fuseliez, directrice déléguée du fonds de dotation « Plantons pour l’avenir », nous livre son point de vue.
Cette dernière décennie, la séquestration annuelle de carbone en forêt a été divisée par deux. Comment peut-on, dans ce contexte, renforcer son exploitation, sans altérer son rôle sur le plan climatique ?
"Si la forêt capte aujourd’hui moins de carbone, c’est parce qu’elle est fragilisée du fait des sécheresses, des maladies liées aux attaques de ravageurs plus nombreux, des incendies ou autres catastrophes. Certaines forêts vieillissent et sans gestion ad hoc dépérissent.. Plus les arbres sont fragiles et plus l’impact de ces phénomènes est lourd de conséquences.
Il est essentiel, de mon point de vue, d’avoir une vision globale des enjeux de la forêt et une vision filière. Pour assurer son renouvellement, il faut mobiliser davantage et boiser-reboiser avec des essences plus résistantes au changement climatique en l’anticipant au maximum. C’est d’ailleurs ce qui est souhaité par l’Etat avec la célèbre annonce en octobre 2022 de l’objectif de planter 1 milliard d’arbres en 10 ans ce qui correspond à renouveler 10% des forêts françaises. De nombreux programmes et financements permettent aux professionnels d’agir en ce sens sur le terrain aux côtés des propriétaires forestiers. "
Sabrina Fuseliez, directrice déléguée du fonds de dotation "Platons pour l'avenir"
Ce renouvellement doit intégrer des enjeux multiples, qui renvoient au caractère multifonctionnel de la forêt : le réchauffement climatique et ses impacts sur la forêt, les besoins de décarbonation de notre économie grâce à la valorisation des produits bois, la préservation de la ressource et de la biodiversité, les usages récréatifs de la forêt et bien d’autres.
L’équation est complexe, mais elle est tenable à certaines conditions.
Pour y répondre le plus efficacement possible, il ne faut pas faire porter cette multifonctionnalité de façon équivalente par chaque parcelle. Elle doit être raisonnée à l’échelle d’un territoire, d’un massif, d’une propriété, pour optimiser l’ensemble.
Évidemment, un socle commun de gestion durable de la forêt reste absolument essentiel et est d’ailleurs très bien encadré par la réglementation.
Mais, pour décarboner l’économie, améliorer la souveraineté du pays en produits bois, il faudra mobiliser davantage de bois en France. Actuellement, nous importons du bois car nous ne disposons pas d’une ressource nationale suffisamment valorisée. En France, les forêts plantées contribuent de façon majeure à l’approvisionnement de la filière bois alors qu’elles ne représentent que 15% du territoire forestier français. Ces forêts de plantation doivent continuer à progresser de quelques pour cent supplémentaires.
Avec le fonds « Plantons pour l’avenir », que vous gérez, vous avez, depuis 2014 accompagné 400 projets de reboisement représentant près de 2500 hectares et plus de 3 millions d’arbres plantés. Vous intervenez principalement sur le développement de forêts de plantation. Comment et avec quelles exigences ?
La raison de notre positionnement sur la forêt de plantation est simple. En France, 75% de la forêt est privée et est détenue par 3,5 millions de propriétaires. Notre Fonds de dotation Plantons pour l’avenir a été créé en 2014 en réponse au constat inquiétant d’un manque de soutien au reboisement.
La nécessité de soutenir le renouvellement forestier ressort dans tous les rapports qui se succèdent depuis plusieurs années.
Différents modes de gestion existent en forêt et le choix à retenir dépend des propriétés et des territoires. Tous représentent un coût, sans pour autant avoir de rentabilité à court terme car la croissance des arbres se fait sur du temps long. Résultat : une part conséquente de la forêt est à l’abandon ou en impasse technico-économique.
En tant que fonds d’intérêt général, nous agissons, grâce aux dons de nos mécènes, au plus proche du terrain pour permettre la remise en gestion de forêts dégradées en impasse sylvicole et / ou économique. Nous proposons aux propriétaires de soutenir des plantations et les travaux d’entretiens sur 5 ans, sur la base d’une avance remboursable à taux 0 sur 30 ans. A l’échéance, les arbres plantés pourront être récoltés et d’autres arbres seront replantés. Leur valorisation permettra de rembourser l’avance effectuée et de soutenir d’autres projets. Nous contribuons ainsi à l’effort de renouvellement de la forêt, en disposant de leviers attractifs pour les propriétaires. Nous pouvons également venir en complément des dispositifs publics, de l’Etat ou des collectivités, toujours dans un souci de débloquer des situations et faciliter la gestion durable.
Chaque projet que nous menons est accompagné par un gestionnaire forestier professionnel (GFP) agréé par l’Etat (coopérative, expert, GFP indépendant). Et chaque fois que celui-ci découvre dans la propriété sur le massif lié au projet de plantation, un enjeu spécifique, comme par exemple, la présence de zones humides, d’îlots de senescence ou de lisières, riches en biodiversité, nous expérimentons le fait d’accorder une subvention directe pour les améliorer, les restaurer ou les préserver afin de contribuer aux co-bénéfices du projet.
Outre notre programme « Planter », nous avons aussi un programme « Sensibiliser » pour éveiller les consciences sur les rôles de la forêt et des usages du bois dans la lutte contre le changement climatique et dans le développement des territoires.
Notre troisième programme, « Innover » vise à accompagner des projets de recherche, développement et innovation pour des techniques, pratiques, essences plus adaptées au climat de demain. Par exemple, nous nous sommes associés à des études sur la chalarose du frêne et depuis quelques années, avec l’INRAE et l’IEFC, nous accompagnons des travaux dans des arboretums pour étudier sur près d’une décennie les réponses des feuillus et résineux de l’arc atlantique à la sécheresse et autres perturbations climatiques, en analysant leur croissance selon différentes stations. Récemment, nous avons soutenu une étude pour évaluer des plantations de sapins de Bornmüller et leurs possibilités de substitution à d’autres essences fragilisées.
En agissant sur le renouvellement des forêts et la valorisation des produits bois, c’est aussi toute une filière économique d’avenir à impact positif sur l’environnement et sur les territoires, que nous aidons à soutenir.
Vous êtes donc assez optimiste sur la capacité de la forêt à remplir dans l’avenir tous les objectifs qui lui sont assignés ?
Oui, absolument.
Seul près de 65% de l’accroissement naturel annuel est mobilisé aujourd’hui. La forêt française continue de gagner du terrain et il est important de veiller à ce que cela se fasse de façon optimale pour maximiser les chances de la voir jouer son rôle vis-à-vis des défis auxquels nous devons faire face. La forêt est notre alliée incontournable. Accompagnons-la de façon adéquate selon les territoires pour qu’elle nous apporte en retour les solutions dont nous avons besoin.
C’est en développant les coopérations entre tous les acteurs de l’amont à l’aval, en partageant les connaissances, en favorisant les investissements et en faisant beaucoup de pédagogie auprès du grand public, que nous réussirons collectivement à valoriser et à préserver ce magnifique patrimoine qu’est la forêt.
A notre échelle, c’est ce qui chaque jour nous motive à aller plus loin.
Vous désirez en savoir plus, alors rendez-vous au prochain salon EUROBOIS, qui, dans le cadre de sa politique RSE est un des mécènes de Plantons pour l’Avenir.