08 mars 2018

Mixité et ouverture : clefs des nouvelles formations !

 Alors que la filière bois est impactée par l’arrivée du numérique, les formations doivent gagner en transversalité. Echanges avec Arnaud Godevin, directeur de l’Ecole Supérieure du Bois à Nantes.
 

Quel est votre point de vue sur la mutation des métiers de la filière bois ?

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Cette transformation va bien au-delà de l’industrie du bois. Elle touche toute l’industrie, mais également le monde de l’enseignement et celui de la formation. Les jeunes qui arrivent en formation sont nés avec le numérique et le web. Nous sommes face à un changement de modèle, de culture. D’une part, les métiers se digitalisent tant au niveau de la production que de l’organisation avec notamment le BIM et d’autre part, les relations entre individus sont impactées par les nouveaux outils de communication. Cette évolution représente énormément d’opportunités, collectivement et individuellement. En même temps, elle génère de l’incertitude. On sait d’ores et déjà que la moitié des métiers n’existeront plus dans 20 ans et que ceux qui les aurons remplacés n’existent pas encore. Nous devons guider nos publics, leur apprendre à faire la part des choses entre le côté gadget de la numérisation et la mutation profonde qui en découle, notamment dans les ateliers.


Dans ce contexte, quel est l’enjeu principal pour la formation des jeunes ?

Ce changement de culture entraîne un glissement permanent des compétences. La révolution digitale, c’est fabuleux, mais nous n’en mesurons pas encore tous les effets, notamment sur les rapports humains. Aujourd’hui, nous formons les jeunes pour répondre aux attentes des entreprises tout en leur donnant des fondamentaux pour apprendre à s’adapter demain. Développer sa curiosité, prendre du recul, poser les bonnes questions, savoir faire le tri entre les informations... Les entreprises peuvent parfois exprimer une certaine déception au regard des compétences immédiatement opérationnelles des jeunes. Mais passé le « c’était mieux avant », il faut voir que les jeunes savent faire énormément de choses nouvelles. Pour favoriser la mutation des métiers, tout le monde doit avancer en même temps, les jeunes comme les chefs d’entreprise, sans oublier les établissements. Il faut changer nos regards, nos visions, nos postures.

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Comment l’Ecole Supérieure du Bois fait- elle évoluer ses formations ?

Comme pour la mixité des matériaux, nous recherchons la mixité des compétences et pour cela nous intégrons dans nos formations des designers et des architectes avec un objectif, le décloisonnement. La co-formation intergénérationnelle est également en cours de mise en place. Elle rassemble des groupes d’étudiants de différents niveaux et de différentes formations que nous mettons en mode projet pour travailler sur des problématiques réelles. Ainsi, tout le monde forme tout le monde. L’entreprise apporte l’expérience, la compétence et les jeunes leur fraicheur, leur regard neuf. Et très souvent, ils ouvrent des pistes que les entreprises n’imaginaient pas. L’industrie du bois a besoin de « penseurs/faiseurs » et de « penseurs/faiseurs/avec ».


Quelle est votre vision de l’évolution des métiers ?

Les métiers sont en train de se segmenter. Par exemple, pour exister dans l’ameublement, il ne faut pas être dans le milieu de gamme. Les acteurs se positionnent soit sur de la grande série, soit sur des fabrications prémium qui relèvent de l’artisanat. Cette segmentation conduit nécessairement à des métiers très différents. Pour les séries, avec l’automatisation, on trouvera plutôt des conducteurs de ligne et dans le premium, où il faut choisir ses matériaux avec précision, on restera sur les métiers traditionnels, même si le numérique est présent pour la conception des objets.

Et puis la filière bois est aussi impactée par l’évolution de la construction bois. Ces nouveaux bois technologiques, déstructurés puis restructurés en série et hors site, génèrent de nouvelles tâches. Le menuisier n’a plus la même place, au lieu de fabriquer des panneaux qui le seront de façon automatique, il devra mettre en place de nouvelles fonctionnalités aux produits, comme l’ajout de leds ou de systèmes de fermeture automatique. Le charpentier devra, quant à lui, s’intégrer dans une démarche de type BIM, se tourner vers le tout corps d’état et développer sa polyvalence. Il prendra les côtes, suivra la fabrication et reviendra sur le chantier pour poser.

Le développement de la filière bois n’appartient pas à la filière bois, mais à ses prescripteurs que sont les designers et les architectes et nous devrons nous y habituer.

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