21 septembre 2017

Le déroulage, l’avenir du gros bois

Aujourd’hui les gros bois se trouvent confrontés à un problème cornélien, un volume disponible important mais une rentabilité pas facile à trouver avec le sciage. Les scieries hésitent à traiter cette ressource abondante en France en raison du mode de transformation et de la faible productivité qui en découle.

Nous avons rencontré Christian Lallia, dirigeant de Finnso Bois, partenaire d’entreprises finlandaises et canadiennes, il s’est penché sur la technique du déroulage et des produits induits  qui permettraient d’élargir les débouchés des gros bois.

Comment expliquez-vous le faible niveau de rentabilité du sciage des gros bois ?

Depuis une quinzaine d’années, de nombreux acteurs s’interrogent pour optimiser le sciage des gros bois, mais le marché a du mal à trouver la solution économique adaptée. Tout d’abord il est important de considérer l’importante hétérogénéité de la qualité des gros bois. La difficulté ne concerne pas les gros bois de bonne qualité, que le scieur valorise particulièrement bien pour des marchés spécifiques, mais les qualités moyennes et basses (faibles propriétés mécaniques et discoloration,…).  Le sciage d’un gros bois coûte à produire un tiers plus cher que celui des bois moyens à petits. Pour combler ce manque de compétitivité, soit il faut acheter moins cher les gros bois, mais les propriétaires n’y sont pas prêts, soit il faut vendre plus cher, mais on ne serait plus dans les prix du marché.

Une ligne canter peut produire jusqu’à 100 m3 de sciages à l’heure avec un seul opérateur, alors que pour les gros bois, il faut compter une production de 20 à 30 m3 à l’heure avec plusieurs opérateurs. Sur un marché où la standardisation s’étend de plus en plus, même si on réussit à minimiser le coût de transformation, il y aura un surcoût quelle que soit la solution utilisée sur une production de produits standards. Toutefois le sciage demeure une solution d’autant plus que certains facteurs nouveaux laissent envisager une rentabilité amélioré.

Quelles sont les techniques les plus adaptées aujourd’hui ?

De par ses dimensions les lignes de sciage gros bois demandent du matériel très robuste, onéreux et qui ne s’improvise pas.

Je considère qu’une autre solution complémentaire s’offre aux gros bois : la technologie du déroulage. Je ne revendique d’ailleurs pas cette idée car elle est déjà appliquée depuis de nombreuses années en Suède et en Finlande, où des acteurs majeurs présents sur le marché du sciage dirigent leurs plus gros billons vers leurs dérouleuses. Le déroulage permet de produire des feuilles de bois qui entreront par exemple dans la fabrication du contreplaqué et du Lamibois (LVL). En reconstituant un produit avec des feuilles de spécificités variables, on obtient un meilleur rendement bois, supérieur à 50%. Les marchés visés sont la construction, le transport, l’emballage,…

La valorisation des qualités moyennes et basses est ainsi optimisée en offrant des prix de vente supérieurs. Sachant que le marché du contreplaqué résineux connait actuellement une croissance de l’ordre de 2 à 5% par an, avec un marché en Europe supérieur à 2 millions de m3 (avec une auto production de seulement 50%), il s’agit d’un excellent débouché pour le gros bois. Un autre avantage du déroulage est la rapidité de transformation entre le moment où le bois rond arrive sur site et l’expédition du produit fini, sachant que le séchage d’une feuille ne dure que quelques minutes.

Quel est selon vous le meilleur débouché à ce jour pour le gros bois ?

Comme indiqué précédemment le sciage des grumes de hautes qualités pour des applications à haute valeur ajouté conservera une pérennité mais pour les grumes de qualité moindre, la technique du déroulage est très pertinente, permettant de fabriquer des panneaux, des planches ou de poutres. Le Lamibois répond à une multitude d’applications structurelles ou non structurelles (meubles). Il répond parfaitement aux exigences du bois standardisé mais aussi à la construction bois de haute performance exigée par les architectes. Aujourd’hui, le plus grand scieur et acteur majeur du CLT en Europe le finno-suedois StoraEnso qui a récemment démarré sa toute première dérouleuse et s’impose déjà dans le trio de tête des fabricants européens de Lamibois avec son usine finlandaise.

La France a une longue tradition du déroulage et du contreplaqué (plus de 500 000 m3/an dans les années 80), souvent à partir de bois d’importation d’Afrique mais que les bois nationaux sont en train de remplacer. Des acteurs familiaux très bien gérés sont inscrits dans une dynamique de développement tant la matière première omniprésente sur le territoire nationale les aide. Des acteurs étrangers sont aussi sur les rangs pour profiter de l’aubaine.  

La Métropole Parasol à Séville réalisée avec des poutres de placages de bois en Lamibois
Par Frufaro - Travail personnel, CC BY-SA 3.

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